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Martin Kubich
le Monsieur Culture
de la ville de Vichy

“Créer du lien avec les publics et les territoires sans rien renier du niveau d’exigence”, telle est la ligne de conduite de Martin Kubich, qui occupe depuis fin 2017 la double fonction de directeur de l’Opéra de Vichy et de directeur de la Culture de la Ville. Rencontre avec un ( jeune) homme de 35 ans pour qui création artistique rime avec développement économique…

Bonjour Monsieur Kubich, votre parcours est absolument fulgurant, pouvez-vous nous en brosser les grandes lignes ?

Oui tout à fait. J’ai une formation de chanteur lyrique et c’est ainsi que j’ai démarré ma carrière artistique avant de me rendre très vite compte que je préférais œuvrer aux côtés des artistes dans les coulisses plutôt que d’être seul sur scène. J’ai alors monté une compagnie dans l’Indre, plus précisément à Saint-Benoît-du-Sault, avec laquelle nous avons notamment créé le Festival des Bouchures. De là, j’ai été repéré par le chef d’orchestre international Jérôme Kaltenbach, qui était à la recherche d’un directeur artistique pour le Festival musical du Haut-Limousin et pour la Ferme de Villefavard, une structure qui propose à l’année des résidences d’artistes de haut niveau et organise à ce titre des concerts, des spectacles ou encore des master-class sur site. C’est ce poste que j’occupais avant d’arriver à Vichy.

Est-ce le fait d’être “un Accro du Peignoir” qui vous a donné envie de venir travailler dans la Reine des Villes d’Eaux ?

Il est tout à fait exact que, vu sous cet angle, le poste était prédestiné ! En effet, non seulement pour moi les soins aux Thermes et en Spa sont absolument nécessaires à mon bien-être, notamment pour m’aider à lutter contre le stress inhérent à ma fonction, mais je suis également un grand amoureux de l’univers des Villes d’Eaux. Je connaissais déjà Vichy avant de venir y travailler : il y a ici une âme et une atmosphère qu’il s’agit de continuer à faire vivre.

Quel est le principal défi de votre mission ?

Eh bien, il y en a beaucoup, mais je dirais que le principal enjeu pour moi, c’est de décloisonner. Ne rien mettre dans des cases et créer des passerelles entre les gens, cela résume bien la vision que j’ai de mon nouveau poste. En effet, pour moi, l’univers du spectacle vivant ne doit pas être une affaire d’initiés : on parle souvent de la novlangue du “cultureux” et c’est quelque chose contre laquelle il faut absolument lutter car cela est excluant pour une large part du public. Or, en tant que directeur de l’Opéra de Vichy, justement, mon défi, c’est de développer les publics.

Qu’est-ce qui vous plaît dans la médecine thermale ?

Ce qui me plaît dans mon activité de médecin thermal, c’est vrai-ment le contact humain. Etant donné que les diagnostics sont déjà posés, je n’ai à me préoccuper que de la prescription des soins thermaux. Dans ce cadre, les échanges avec les patients sont très importants et ce que j’apprécie par-dessus tout, c’est que la fonction de médecin thermal offre le temps nécessaire à ce relationnel de s’installer. Dans le thermalisme, on est sur un temps long, dans tous les sens du terme, et l’ambiance des Thermes de Châteauneuf-les-Bains s’y prête particulièrement.

Pour ce faire, j’ai vraiment la chance d’être épaulé par des élus, aux premiers rangs desquels le maire de la ville Frédéric Aguilera et Charlotte Benoit, 1ère adjointe en charge de la Culture, qui me font confiance car ils partagent cette vision de la culture comme créateur de lien social. D’ailleurs, le poste de directeur de la culture que j’occupe actuellement n’existait pas auparavant. La nouvelle municipalité l’a créé car elle veut faire de la culture à Vichy, l’un des pôles majeurs d’attractivité de la ville, au même titre que le sport, le dynamisme commerçant du centre-ville et bien entendu l’activité thermale au sens large.

Est-ce à dire que vous portez une mission de “vulgarisation” culturelle ?

Alors là, pour le coup, pas du tout ! Je n’aime pas le terme de vulgarisation car il laisse à penser que l’on simplifie le propos et que l’on abaisse le niveau pour se rendre accessible au plus grand nombre. Non, justement, le défi, c’est d’arriver à faire adhérer le public à des choses pointues, sans dénaturer la création originelle.

Comment choisissez-vous les spectacles que vous proposez en programmation ?

Moi, j’ai une démarche, simple, sincère et qui pour autant vise l’excellence. Avant d’être programmateur, je suis avant tout un spectateur : ce que je recherche en premier, c’est l’émotion que procurent les belles découvertes artistiques, quels que soient leurs styles, et c’est cette émotion que je souhaite retransmettre à mon tour dans le cadre des spectacles que je programme. En quelque sorte, mon discours serait de dire au public “Faites-moi confiance et je vais vous emmener découvrir des choses merveilleuses”. Pour moi, c’est vraiment ça le rôle du programmateur : emmener avec soi des publics, avertis ou non, vers des expériences inédites.

Comment comptez-vous attirer de nouveaux publics à l’Opéra ?

A Vichy, nous avons la chance inouïe de disposer d’un Opéra doté d’une salle de 1200 places, qui plus est l’une des plus belles d’Europe, alors même que la commune compte moins de 30 000 habitants. Pour autant, ce faste est également un écueil puisqu’il crée une sorte de barrière avec toute une tranche de la population que se dit, à tort, que “ce n’est pas pour elle”. Du coup, dès mon arrivée, j’ai engagé plusieurs actions comme la mise en place de tarifs promotionnels de dernière minute. J’ai aussi permis à des artistes comme Julien Doré de louer la salle, afin de désacraliser le lieu et donner aux gens le goût d’y revenir. Enfin, j’ai initié, notamment dans le cadre du Festival d’Eté, – qui vient avec la Saison remplacer l’alternance Saison d’Eté/Saison d’Hiver qui existait auparavant et qui nous permet désormais de nous inscrire dans la lignée de tous les grands festivals de musique estivaux -, toute une série d’événements gratuits. L’an passé, pour mon tout premier Festival d’Eté, nous avions par exemple organisé un grand concert symphonique gratuit sur l’esplanade de l’opéra pour l’ouverture et nous avions même relevé le défi d’envoyer ledit orchestre symphonique, soit quarante musiciens, rejoindre Clermont-Ferrand à vélo avec des haltes musicales sur les communes de Randan et de Pont-du-Château.

En tant que Directeur de la Culture de la Ville, votre souci d’ouverture est le même ?

Effectivement, pour ce second volet de mon poste, l’idée est de définir une politique culturelle globale pour la Ville de Vichy, en innovant sans pour autant déstabiliser l’existant. Outre l’Opéra, j’ai en charge la direction du Centre Culturel et de la Médiathèque Valéry Larbaud, que je souhaite vraiment replacer au cœur de la vie des Vichyssois et du développement économique de la ville. Par exemple, en ce qui concerne le Centre Culturel Valéry Larbaud, je souhaiterais en faire un lieu de résidences d’artistes. Tout d’abord parce que cela a du sens pour une ville d’eaux comme Vichy de redevenir un pôle de création artistique comme elle le fut jusque dans les années 60, à une époque où 150 techniciens œuvraient à la création de spectacles à l’Opéra, ce qui explique encore aujourd’hui le gigantisme des coulisses. Ensuite parce qu’accueillir des artistes en résidence, cela signifie loger des équipes pendant plusieurs semaines sur la commune donc cela génère obligatoirement des retombées économiques au niveau des hôtels, des restaurants et des commerces. La culture doit faire partie de la vie de la ville et de ses habitants, dans tous les sens du terme.